Posted on 11 Jan 2025
Durant le 2e cycle des études médicales en France, les stages occupent une bonne partie de nos journées : bien souvent la moitié, qu’ils soient organisés en demie-journée, ou en alternance de semaines en journées complètes et de semaines “off”. Sur le papier, c’est l’endroit où l’on peut mettre en pratique ce que l’on a découvert dans ses manuels et apprendre son futur métier. Cela étant dit, la pression du concours de l’internat donne parfois plus envie de partir de stage le plus vite possible pour revenir potasser ses manuels de cours. Ce sentiment peut être renforcé par un encadrement qui n’est pas toujours à la hauteur de nos attentes. Pourtant, il y a quasiment toujours moyen de tirer beaucoup d’enseignements de son stage, et ce même pour le concours de l’internat !
Cette entrée a pour but de donner quelques conseils pour tirer le meilleur parti de son temps passé en stage. Il est fort probable que certaines parties ci-dessous aient droit à leur propre entrée dans un futur plus ou moins proche.
Ce pré-requis peut sembler trivial mais les tâches attendues des externes ne sont pas systématiquement expliquées. C’est pourtant un élément essentiel à recueillir : ou bien il y a des missions attendues des externes et il vaut mieux le savoir d’emblée que le découvrir lorsqu’on vous reprochera de ne pas les avoir accomplies, ou bien il n’y en a pas et le savoir vous permettra de vous en trouver vous-mêmes (autrement la tentation de se transformer en plante verte partie dès que possible est souvent forte).
Dès le premier jour, demandez donc ce qu’on attend de vous à vos différents encadrant·e·s : que ce soit la·le médecin senior qui devrait vous accueillir, mais aussi aux internes qui vous superviseront très certainement la plupart du temps.
Dans les quelques parties à venir, seront passées en revue les missions les plus classiques et comment en retirer quelque chose au-delà de leur simple complétion.
Bilans médicaux initiaux (BMI pour les intimes), observation d’entrée, mot d’entrée : quel que soit la façon dont ce document est désigné chez vous, il s’agit de ce qui doit être rédigé quand un patient arrive dans un service d’hospitalisation1.
Le moyen le plus simple de complètement gâcher l’exercice est de tomber dans le travers du copier/coller de compte-rendu précédent. Cela vous fait passer complètement à côté des intérêts de la confection de ce document :
Cela étant dit, il y a tout de même des situations où le copier-coller s’impose :
Vous avez plus de chance d’être confronté à cette tâche si vous êtes en journées complètes (les entrées ayant souvent lieu l’après-midi), en garde, ou en astreinte (la fameuse entrée du vendredi soir).
Si tous les services n’offrent pas la possibilité de faire des BMI, les mots d’évolution ont beaucoup plus de chance de vous être proposés. Il s’agit simplement de consigner un mot dans le dossier pour expliquer l’état et la prise en charge de la·du patient·e pour la journée. C’est un exercice très intéressant puisque ces mots peuvent être essentiels : pour vos collègues de garde qui se baseront sur ces mots pour gérer les urgences, pour vos internes qui pourront s’en aider pour faire le compte-rendu d’hospitalisation final, et pour tout le monde afin de suivre la prise en charge.
La principale difficulté consiste à s’adapter aux us et coutumes du service, et surtout de l’interne qui vous encadre. Si chacun a son style, il y a quand même 2 grands formats de mots d’évolution :
Si vous avez suffisamment de temps devant vous, il peut être intéressant de rédiger les deux versions du mot d’évolution pour mieux s’approprier ces différents formats. Par ailleurs, le plan par thématique est souvent celui qui est demandé lors de transmission orale, donc autant savoir le manier !
S’adapter aux exigences de la personne qui relira le mot n’est pas facile mais c’est une des compétences clés de l’externe. Cela étant dit, vous remarquerez que vos mots peuvent ne pas être relus, vous pourriez même découvrir le lendemain qu’un mot reprenant les mêmes informations que le vôtre a été écrit par l’interne en dessous du vôtre3 : voyez ça comme l’occasion d’avoir une correction détaillée de votre travail. Si vous voyez que votre interne peut avoir le temps, n’hésitez pas à le solliciter pour avoir un retour sur vos mots ; vous pouvez alternativement demander un feedback sur les mots de la veille au lieu de ceux d’aujourd’hui.
LE grand moment de la semaine pour l’externe en stage. C’est aussi parfois le plus frustrant. Mais il y a toujours quelque chose à en retirer.
On vous demandera de présenter les patient·e·s que vous suivez de plus ou mois près. Dans certains cas, on vous demandera une présentation complète qui demandera grosso modo de lire le BMI puis une condensé des mots d’évolution. Dans d’autres, il faudra simplement lire le dernier mot d’évolution. Lire est parfois à prendre littéralement : vous aurez imprimer ces documents et vous les lirez (et c’est ce qu’on attend de vous). Dans d’autres cas, il faudra réussir à les transmettre de façon plus vivante en se détachant d’une récitation pure et simple.
Les grands écueils dans lesquels les visites tombent sont surtout :
Voyez ça comme des défis à relever ! Devant le patient, il faudra réussir à adapter votre langage pour être à la fois compréhensible par les médecins et le patient (que ce soit par les termes employés ou votre prosodie). Pour éviter le car-jacking, il faut savoir captiver ceux qui vous écoutent et aller droit au but.
On passe maintenant dans les missions qui paraissent moins utiles, voire carrément ennuyantes… Remplir (et faxer) des demandes d’examen est souvent vu comme de la paperasse inutile qui retombe sur le maillon le plus bas dans la chaîne hiérarchique médicale. Il y a un peu de vrai là dedans mais il y a tout de même de l’utile à en retirer !
Déjà demander un examen implique de savoir un peu ce dont il s’agit. Si on vous demande de remplir une demande pour un test de la sueur et que vous n’en avez jamais entendu parler, ça sera l’occasion d’en apprendre un peu plus.
Pour qu’un·e patient·e puisse avoir un examen, il faut que celui-ci ne lui soit pas contre-indiqué. Cela vous fera donc réviser les antécédents de votre patient. Et ne soyez pas trop sûr de vous : on a vite fait d’oublié une allergie au produit de contraste en demandant un scanner injecté…
Beaucoup de demande ont un encart pour motiver la demande. C’est là que le plus intéressant se trouve. Pour le remplir, vous devez avoir compris pourquoi on demande l’examen (pourquoi à ce moment de la prise en charge ? est-il vraiment indiqué ? quelles informations en attend-on ?), ce qui n’est pas toujours une mince affaire. L’encart est souvent petit donc cela vous forcera à sélectionner les informations les plus importantes.
Ensuite il reste les tâches qui font de votre temps à l’hôpital un véritable travail : ce dont quoi vous ne retirez rien ou alors très peu sur le plan pédagogique. C’est bien souvent de l’ordonnage de dossier papier, parfois du brancardage, de la prise de constantes, ou la réalisation à la chaîne de questionnaire type MMSE.
Même si ça ne vend pas du rêve, on peut quand même y trouver une certaine satisfaction. Déjà pour toutes les tâches qui se font avec les patient·e·s, c’est toujours un moyen de leur faire passer un meilleur moment à l’hôpital et de développer vos skills de small talk. Pour les tâches purement administratives, fixez-vous des défis absurdes : finir en moins de n minutes, avoir le plus de feuilles de microbiologie possibles mentionnant des bacilles Gram négatif, ou que sais-je.
Malgré toutes les missions, il peut arriver qu’il y ait des temps morts en stage et qu’on ne vous laisse pas partir : soit parce que c’est la politique du service, soit parce qu’il y a quelque chose d’intéressant qui se passera plus tard.
Profitez de ce temps pour mieux comprendre les dossiers, vous renseigner sur les maladies de vos patient·e·s, lire le dossier des autres patient·e·s, regarder le maximum d’imagerie possible. Dans le pire des cas, vous pouvez aussi sortir un référentiel que vous auriez amené avec vous. Attention cependant, ce n’est pas toujours bien vu !
Cela peut sembler évident sur le papier, ça ne l’est pas toujours en principe : posez des questions à vos encadrant·e·s ! Vous êtes certainement dans un hôpital universitaire et cela fait tout autant parti de leur mission que soigner les patients4.
Les questions peuvent être “réactives” : quand vous ne comprenez pas quelque chose (un geste d’examen clinique fait par votre interne, la prescription d’un traitement, une maladie, la justification d’un examen complémentaire), demandez ! Cela vous permettra de mieux profiter de votre stage et les gens sont souvent très contents de pouvoir vous aider.
Vous pouvez aussi poser des questions plus “de fond”. Le classique est de demander le premier jour quels seraient les 2 items à lire l’après-midi/le soir pour mieux comprendre ce qu’il se passera demain. Avant une présentation d’un·e patient·e, vous pouvez demander à votre interne quels sont les points les plus importants de la prise en charge.
Cela est bien sûr à moduler en fonction de l’activité au sein du service. Si vous voyez que vos internes sont complètement sous l’eau, allez-y peut-être mollo sur les questions.
Si vous n’osez pas poser des questions, ayez avec vous un petit carnet dans lequel vous notez toutes les choses que vous ne comprenez ou ne connaissez pas. Prenez ensuite un moment dans votre semaine pour faire quelques recherches pour tout éclaircir (idéalement quotidiennement parce que sinon c’est très facile de laisser les choses à chercher s’empiler).
Et avant de conclure, un des conseils, si ce n’est le conseil le plus important. Demandez des retours à vos encadrant·e·s. C’est essentiel pour vous améliorer. Après un BMI, demandez comment le rendre plus clair. Après un mot d’évolution, cherchez à savoir comment le rendre plus synthétique. Après une présentation, questionner celle·celui qui vous a le plus écouté pour savoir ce que vous avez oublié. Après une demande d’examen (pas à toutes sinon vous allez faire péter des câbles), forcez pour une rapide relecture.
C’est très facile de stagner et penser qu’on est correct ou bon parce que personne ne prend la peine de nous donner des pistes d’améliorations : brisez le cycle et cherchez à vous améliorer constamment !
Et pour conclure, un petit adage qui pourrait résumer une bonne partie de ce qui a été dit plus haut !
Faites en sorte de mieux connaître vos patient·e·s que vos internes.5
Le bilan médical initial est en réalité une obligation légale ! ↩
J’appelle ça une usine à BMI. ↩
Je crois que c’est dans une vidéo de l’excellent Dr. Glaucomflecken qu’il est dit que la vie d’un étudiant en médecine se résume à écrire des mots que personne ne lira jamais. ↩
Aux approximations sur le statut hospitalo-universitaire vs. hospitalier pur près. ↩
Il s’agit de mieux les connaître que votre interne ne les connaît et non pas de ne pas retenir le nom des internes. ↩