Posted on 25 Jan 2025
Le travail diagnostic du médecin consiste bien souvent à trancher entre
différentes hypothèses en fonction de données cliniques et para-cliniques. Cette
comparaison d’hypothèses ne peut se faire que si l’on a une connaissance
similaire des maladies qu’elles sous-tendent : si je connais la prévalence de la
maladie A
mais pas celle de la maladie B
, impossible de mener un
raisonnement probabiliste a priori.
On aimerait donc idéalement trouver les mêmes informations dans tous les items au programme du deuxième cycle des études médicales. Si c’est un objectif sûrement trop ambitieux et rigide, un bon point de départ serait de trouver cette rigueur dans chaque groupe de maladies connexes (celles qu’on évoque régulièrement en même temps). Force est de constater que si certains collèges enseignants ont pris ce parti (en médecine d’urgence par exemple) d’autres semblent avoir fait fi de cette contrainte pour se concentrer sur d’autres aspects et proposer une lecture plus fluide (dermatologie par exemple).
Une partie de ce travail de concoction de systématicité est laissé aux étudiant·e·s1 qui ont toute latitude pour construire leur propre calque applicable à tous les items, bref leur propre ossature commune.
Dans cette entrée, je vais détailler l’ossature à laquelle j’étais arrivé en fin d’externat. L’idée n’est pas de mâcher (et donc gâcher) le travail mais de donner un exemple, très imparfait, autour duquel construire. Cette ossature se retrouve souvent dans mes fiches Anki.
Les données épidémiologiques sont essentielles pour faire la part des choses entre maladies rares et maladies fréquentes. Comme le disent les adages :
Les manifestations rares des maladies fréquentes sont plus fréquentes que les manifestations fréquentes des maladies rares.
ou encore :
Les maladies fréquentes sont plus fréquentes que les maladies rares.
et pour finir :
Quand on entend galoper, il faut penser au cheval afin d’évoquer le zèbre2.
Les données que j’essayais toujours de rassembler :
Le but de l’ossature étant de tout rendre comparable, il est à mon sens essentiel de convertir toutes les incidences et prévalence en n pour 100 000. Elles sont souvent données en 1 pour n : cela peut être pertinent dans certains cas (par exemple 1 pneumopathie acquise sous ventilation mécanique pour 66 jours de ventilation ou 1 événement indésirables graves pour 200 jours d’hospitalisation en médecine [autrement dit tous les 10 jours pour une unité de 20 lits]), mais la plupart du temps cela gêne les comparaisons. Cela demande un peu de calcul initial, mais c’est très rentable.
Si vous partez d’une valeur absolue, il suffit de diviser par 1000 et multiplier par 1.5 (en supposant que la France compte 66 millions d’habitants). Il y a toutefois des cas où il vaut mieux retenir les valeurs absolues : les cancers (notamment car cela tombe parfois en partiels facultaires).
D’autres informations connexes peuvent parfois se rajouter (par exemple la survie à n ans est utiles pour comparer les cancers entre eux). À l’inverse certaines informations sus-citées sont parfois moins utiles (par exemple la prévalence des cancers).
Pour certains groupes de maladies, des informations géographiques peuvent être très pertinentes (là où l’on rencontre les différents parasites du programme par exemple.)
Le cœur du programme du DFASM est sans doute la sémiologie qu’il convient donc de bien maîtriser.
Une scission entre signes fonctionnels (recueillis à l’interrogatoire) et signes cliniques (trouvés à l’examen clinique) n’est pas toujours pertinente mais permet parfois de scinder des grosses listes indigestes en des unités plus facilement maniables.
Faire apparaître de la structure au sein de ces listes est souvent la tâche la plus ardue. Pour ma part, j’essayais de les découper par appareil : signes cardiologiques, neurologiques, endocriniens, etc. La clé est d’essayer autant que possible d’utiliser les mêmes catégories tout le temps de telle sorte à pouvoir réfléchir de la même façon pour toutes les maladies. Cela n’est pas toujours possible et demande parfois des choix (le plus commun étant comment gérer les signes métaboliques, endocriniens et hydro-électrolytiques).
Je scindais les examens para-cliniques en 2 catégories : ceux d’imagerie et les autres. Pour faciliter les efforts de mémoire, il peut être bon de créer des grosses catégories qui rassemblent plusieurs examens : par exemple un bilan rénal (ionogramme sanguin, urée, créatinine) qui pourra être complet (ajout d’un ionogramme urinaire).
La prise en charge se compose généralement de 3 axes :
Parfois cela me valait le coup de départir de ce schéma pour utiliser un “traitement étiologique” vs. “traitement symptomatique”.
Il faut bien sûr garder de la flexibilité (même si c’est l’inverse qui motive une telle ossature) pour faire loger toutes les informations utiles qui ne rentre pas dans le cadre choisi.
Cette ossature fait vraiment sens pour les items qui traitent d’une seule (ou quelques seulement) maladie (par exemple sclérose en plaque). Elle ne pourra pas permettre d’aborder correctement les items symptômes (par exemple céphalées primaires) ni les items catalogues (par exemple neuropathies périphériques).
Il faut aussi garder en tête que vouloir à tout prix remplir l’ossature que l’on s’est concoctée peut conduire à se concentrer sur des points de connaissance qui ne sont pas forcément tombables : a fortiori si vous devez allez chercher l’information hors des référentiels, n’y perdez pas trop de temps.
Le risque inverse étant de ne pas assez se concentrer sur des informations essentielles mais qui ne trouveraient pas leur place dans la template que vous aurez conçue !
Élaborer un cadre commun pour aborder les items vous dote d’un super marteau : la plupart des choses à savoir étant des clous, cela vous facilitera sûrement la tâche. La subtilité à maîtriser est de savoir ne pas l’utiliser quand vous vous retrouverez face à une vis (et ne pas sous-estimer l’incidence des vis !).
Et c’est très bien comme ça : c’est une des tâches qui demandent une activité réellement détachable d’un apprentissage par cœur et qui confère au diplôme de formation en sciences médicales approfondie sa valeur. ↩
Cette belle citation viendrait du Dr. Theodore Woodward qui l’aurait prononcé dans les années 40. ↩